Par Audrey KAUFFMANN AFP - BERLIN (AFP)

L’Allemagne pensait avoir trouvé la solution au stockage des déchets radioactifs en les enfouissant dans des mines de sel désaffectées mais voilà qu’une contamination révélée dans l’une d’elles remet la question sur le tapis, au grand dam de Berlin.
L’affaire, révélée il y a quelques jours et qui a occupé jeudi les députés du Bundestag, concerne la mine d’Asse près de Wolfenbüttel en Basse-Saxe (nord). Entre 1967 et 1979, quelque 126.000 fûts contenant des déchets faiblement ou moyennement radioactifs ainsi que 11 kg de plutonium ont été entreposés à Asse, à plus de 700 mètres de profondeur, dans des nefs de l’ancienne mine et dans une salle étanche.
Après 1979, les dépôts ont cessé et Asse s’est transformé en "site de recherche", destiné à prouver les vertus du stockage de déchets nucléaires dans les couches salines. Géologiquement stables depuis 70 millions d’années, celles-ci sont considérées comme quasi imperméables.
Mais un petit lac d’eau s’est formé, où des mesures ont révélé une contamination au Cesium-137.
Selon les endroits, les relevés sont trois à onze fois supérieurs à la norme autorisée de 10.000 becquerel/kg, ont reconnu les autorités de Basse-Saxe, tout en affirmant qu’il n’y avait aucun danger pour la population. Les habitants de la région craignent néanmoins une contamination de l’eau potable aux alentours de la mine.

La presse crie au scandale, d’autant que les autorités de Basse-Saxe ont reconnu avoir été au courant depuis longtemps de cette contamination.
Mais l’information n’avait été relayée ni à Berlin, ni auprès de l’autorité de sûreté nucléaire.

Après une réunion de crise mardi, le gouvernement fédéral a ordonné la mise en place d’un groupe d’experts pour évaluer la situation sur place.
Qui savait quoi et quand ? Qui n’a rien dit et pourquoi ? Autant de questions que Berlin espère aussi clarifier.
L’exploitant de la mine, Helmholtz-Zentrum, reconnaît avoir diagnostiqué une fuite dès le début des années 90. Il l’explique par la non-étanchéité probable d’un fût endommagé lors de son entreposage en 1973. Aussi a-t-il fait pomper ces dernières années 70.000 litres d’eau contaminée... mais sans autorisation de l’autorité de sûreté nucléaire (BfS).

Le ministre de l’Environnement Sigmar Gabriel (SPD) a dénoncé l’incompétence de l’exploitant. Au Bundestag jeudi, les partis se sont renvoyé la balle.
Les Verts, qui dénoncent une "bombe à retardement" à Asse, ont accusé le gouvernement CDU-SPD de négligence.
L’autorité de sûreté nucléaire "n’exclut pas que d’ici 150 ans, du cesium-137 se retrouve dans la nappe d’eau" qui alimente la région d’Asse en eau potable, a lancé à la tribune l’écologiste Sylvia Kotting-Uhl, dénonçant "une vision d’horreur".
La CDU d’Angela Merkel a, elle, mis en cause la responsabilité de l’équipe SPD-Verts au pouvoir entre 1998 et 2005.

Depuis 1988, de l’eau pénètre chaque jour dans la mine d’Asse en plusieurs endroits, soit désormais 12.000 litres par jour.
La fermeture du site a entretemps été décidée mais les fûts doivent rester sur place. Les Verts réclament leur déplacement.
La question est sensible dans un pays qui a prévu de renoncer en 2020 au nucléaire civil mais qui continue d’avoir quantité de rebuts à gérer et nourrit à cette fin le projet d’un centre de stockage permanent de déchets hautement radioactifs... dans le sel, à Gorleben (nord).

Un élu social-démocrate (SPD) de la région d’Asse, Jörg Röhmann, a dit tout haut ce que beaucoup semblent penser : "le stockage à Asse est un échec". Le quotidien Tageszeitung (TAZ), proche des écologistes, appelle lui à repenser entièrement le projet à Gorleben, gelé pour l’instant.

http://fr.news.yahoo.com/afp/20080626/tsc-allemagne-environnement-energie-nucl-c2ff8aa.html


Libération - samedi 28 juin 2008

Un scandale de fuite radioactive contrarie les plans de Merkel

Le gouvernement allemand se serait bien passé de ce nouveau scandale… En milieu de semaine, l’opinion a appris l’existence d’une fuite radioactive dans une ancienne mine de sel reconvertie en centre de stockage à Asse, dans le centre du pays. L’affaire est d’autant plus sensible qu’Angela Merkel vient tout juste de commencer une offensive de charme pro-nucléaire auprès d’une opinion particulièrement rétive. La chancelière allemande attend les élections de l’automne 2009 pour revenir sur la décision prise par le gouvernement Schröder de fermer toutes les centrales nucléaires du pays d’ici à 2020.

Endommagés.

Retour à Asse, en Basse-Saxe, où 125 000 fûts faiblement radioactifs ont été entreposés à 750 mètres de profondeur entre 1967 et 1978. Mille trois cents autres fûts de déchets « moyennement » radioactifs (mais contenant onze kilos de plutonium) gisent également à 511 mètres de profondeur. Les couches salines, géologiquement stables depuis soixante-dix millions d’années, sont considérées comme quasiment imperméables.

Sauf qu’à cet endroit, le sol est en mouvement. Depuis la révélation de l’affaire, la société chargée de gérer le site a dû reconnaître qu’il lui fallait pomper chaque jour, depuis 1988, les 12 mètres cubes d’eau qui s’infiltrent quotidiennement dans la mine et entrent en contact avec un ou plusieurs fût(s) endommagé(s). Ce qui expliquerait que depuis des années, les mesures réalisées sur place font état d’une contamination au césium 137. « Selon les endroits, les relevés sont de trois à onze fois supérieurs à la norme autorisée », admettent aujourd’hui les autorités du Land. Les Verts et les habitants craignent une possible contamination de l’eau potable de la région.

Au-delà des faits, le scandale d’Asse choque d’autant plus en Allemagne qu’il met en évidence les limites des systèmes de contrôle et d’information autour du nucléaire civil. Les autorités régionales, compétentes en la matière, n’ont été informées que récemment des fuites radioactives, et n’ont pas prévenu Berlin. Les liquides pompés de la mine sont réinjectés dans d’autres mines désaffectées, sans autorisation de l’autorité de sûreté nucléaire…

Longtemps, Asse a été considéré en Allemagne comme un prototype du futur centre de stockage de Gorleben, dont le projet repose dans les tiroirs du gouvernement depuis des années. Depuis la révélation des fuites, Berlin tente de relativiser les points communs entre les deux sites.

La période actuelle est, de fait, décisive pour l’avenir du nucléaire civil outre-Rhin. La CDU, le parti de la chancelière, évoque déjà, dans un document consacré à l’avenir de l’énergie en Allemagne, la « renaissance d’une technique nucléaire hautement moderne ». « A moyen terme, on ne peut pas renoncer en Allemagne à l’électricité d’origine nucléaire », insistent les auteurs du document.

« Absurde ». « Fermer les centrales allemandes dans douze ans pour importer du courant nucléaire de République Tchèque, de France ou de Finlande, c’est absurde », estime pour sa part Merkel. La chancelière multiplie depuis des semaines les déclarations de ce type, destinées à préparer l’opinion à un retour au nucléaire si elle était réélue l’an prochain. « Mais il faudra d’abord résoudre la question du stockage des déchets avant d’envisager la construction de nouvelles centrales », avertissent les auteurs du document de la CDU. C’était avant que n’éclate le scandale actuel.