Bure. Anti-capitalistes, anti-autoritaires, anti-systèmes, ils aspirent à construire un autre monde. Un monde sans nucléaire, sans Cigéo (centre de stockage géologique des déchets radioactifs) et sans son promoteur, l’Andra comme l’annonce leur ordre de ralliement : « Cet été à Bure, ramène ta pioche ! On a 10 jours pour enterrer l’Andra ».

Une phrase choc qui met en alerte les autorités. Si incident il doit y avoir, les initiateurs en reportent la responsabilité sur les autorités coupables à leurs yeux de multiples provocations. La lutte, c’est aussi une guerre de communication. Et tant pis, si c’est un des travers de la société à combattre. « C’est insupportable d’être contrôlé, photographié, surveillé en permanence. Cela peut créer des tensions. Les gens doivent avoir la liberté de se déplacer et de s’exprimer librement », préviennent John, Alice et Manue. « Dans l’histoire des luttes, la préfecture et les forces de l’ordre sont rarement du côté des manifestants et des résistants. Ils veulent faire passer leur projet en force ».

À partir du 1er août, le camp du collectif VMC succédera à celui actuel des Amis de la revue écologiste Silence, à Luméville-en-Ornois, un site privé mis à leur disposition à quelques kilomètres de Bure, lieu du projet Cigéo.

VMC pour « Vladimir, Martine and Co », du nom de Vladimir Martinenko, le conducteur du chasse-neige impliqué dans l’accident mortel de l’avion de du PDG de Total, Christophe De Margerie. « Un bouc émissaire qui est toujours en prison alors que c’est un accident ».

« Une forme de colonialisme »

La trentaine, engagés et convaincus « qu’il faut que cela change », ces militants ont un discours parfois radical mais très structuré. Déjà passés à Sivens ou Notre-Dame-des-Landes, ils parlent du rendez-vous VMC en Meuse mais refusent d’en être les images. Ce serait imité le système qu’ils combattent. « Nous venons de toute la France, de Lorraine et de la maison de la résistance à Bure. Le collectif VMC est ouvert à tous avec de multiples ateliers et conférences. Il est aussi au service de la lutte locale contre Cigéo. La première journée lui sera consacrée pour la valoriser. Il y aura des initiatives pour aller à la rencontre des habitants des villages autour de Bure », expliquent Alice, John et Manue.

John espère que « la lutte locale va sortir renforcée. VMC peut être un outil de mobilisation et d’amplification de la question de Bure. En Meuse et Haute-Marne, on prend les gens pour des imbéciles avec ce projet d’apprentis sorciers et des autorités qui font la promotion d’une terre à nucléariser. C’est une forme d’impérialisme et de colonialisme ».

Point de convergence des opposants au nucléaire mais aussi à la société occidentale, Bure incarne tout ce qu’ils rejettent. « Nous allons aller au-delà des questions anti-nucléaires et de la lutte contre Cigéo. Nous aborderons la question des frontières avec les migrants que l’on rejette, la répression contre les acteurs et les mouvements qui refusent l’ordre établi, la mise en accusation des militants en justice, les quartiers populaires où la discrimination progresse ce qui provoque des mobilisations et des victimes de la Police. Deux jours prépareront la conférence de Paris, Cop 21 avec des militants de différents pays. Il faut aller plus loin que ce qui est annoncé. L’agenda proposé n’est pas le nôtre. Nous parlerons de la sur-exploitation des sols et de l’extraction énergétique type gaz de schiste », annonce Alice.

« Tous ces problèmes sont liés car c’est le même système capitaliste qui produit cela. Uniquement dédié au profit », ajoute John.

Camp suivi d’une Zad ?

Officiellement, le camp VMC est prévu jusqu’au 10 août. Néanmoins, la question de l’installation d’une Zone à défendre (ZAD) comme à Sivens ou Notre-Dame des-Landes est posée : « Cela donnera peut-être à des gens l’envie de s’installer mais Bure n’est pas Notre-Dame-des-Landes », admettent les trois jeunes gens qui dénoncent « un projet Cigéo qui divise les gens et les familles ».

Manue estime : « Trop de gens pensent qu’ils ne peuvent plus dire non. À Mandres-en-Barrois, ils se sentent trahis par leurs élus qui ont échangé leur forêt avec l’Andra. Le camp VMC peut aussi donner une légitimité aux gens de s’opposer en montrant que l’on peut remettre les choses en question ». Alors John insiste : « Le camp, un moment au service des collectifs et des luttes, est prévu pour dix jours. Si cela nous dépasse, tant mieux ».