2003 - HISTOIRE D’EAU
ANDRE MOUROT, géologue retraité
L’été 2003 restera dans les mémoires comme ayant été particulièrement chaud et sec, ce qui a entraîné des limitations de la consommation d’eau aussi bien dans les villes que dans les campagnes.
Il y a une trentaine d’années déjà, des scientifiques avaient attiré l’attention des autorités et du public sur les probabilités de manque d’eau dans l’avenir, la population mondiale augmentant dans des proportions mal contrôlées et par conséquent une consommation d’eau de plus en plus importante surtout dans les pays du Sud. Voilà qu’en 2003 ce phénomène arrive chez nous et le problème d’économie de consommation devient quasi quotidien. Il est évident qu’il faut préserver nos réserves aussi bien sur la quantité que sur la qualité.
Oui la qualité. La région de Bure est un énorme réservoir d’eau. Il y pleut en moyenne 1100 millimètres d’eau par an, la quantité d’eau emmagasinée dans les pores des roches se chiffre en milliards de mètres cubes et l’eau est restituée en surface vers l’aval du bassin versant.
En relisant la Règle Fondamentale de Sûreté relative au stockage des déchets nucléaires, on s’aperçoit non sans inquiétude qu’un retour de radionucléides vers la biosphère est envisagé.
Il y est fait allusion en de nombreux endroits du texte. Il est bon de rappeler la définition de la biosphère donnée au début de la Règle Fondamentale de Sûreté : « La biosphère est constituée de la partie de l’environnement facilement accessible aux activités de l’homme et susceptible d’être ue voie une voie de transfert de la radioactivité entraînant une exposition interne(inhalation, ingestion) ou une exposition externe. »
Cette migration des radionucléides est également envisagée par l’Andra dans son rapport de synthèse « Dossier 2001 Argile de décembre 2001, p.p. 79-82, 119.120.
Dans son rapport de juin 2003 la Commission Nationale d’Évaluation (rapport n° 9) mentionne également le « Transport-migration depuis le stockage jusqu’à la biosphère et à l’homme » p.29. C’est clair, les autorités (Ministère de l’Industrie) ainsi que les scientifiques prévoient le retour des radionucléides à notre portée et chacun sait que cela sera extrêmement dangereux. Le seul point où il peut y avoir discussion c’est le temps qu’il faudra aux radionucléides pour revenir à la biosphère.
Il ne peut être fait qu’une estimation sans aucune preuve de ce temps de retour vers la biosphère. Dans la R.F.S. il est dit de 10 000 à 50 000 ans ; encore que ces chiffres ne correspondent qu’à des voeux pas très pieux. La Commission Nationale d’Évaluation est beaucoup plus prudente, elle ne donne aucun chiffre. Nous sommes dans le flou le plus complet, une chose est certaine c’est que l’on nous promet un retour des radionucléides dans notre proche environnement. Toutefois il existe un moyen d’avoir une évaluation du temps de retour de la radioactivité fugueuse. Il nous vient des États Unis, des informations très inquiétantes. Près du Laboratoire National d’Ingénierie et d’Environnement de l’Idaho : « Des déchets hautement contaminés en Plutonium ont été déversés dans des fosses peu profondes selon l’hypothèse que les radionucléides transuraniens migreraient très lentement voire pas du tout et prendraient des dizaines de milliers d’années pour atteindre l’aquifère. Le niveau hydrostatique est situé à environ 180 mètres au-dessous de l’emplacement de la zone d’évacuation... zone de stockage en subsurface. Des mesures in situ du Plutonium et de l’Américium, des travaux de laboratoires ainsi que des travaux théoriques effectués au cours des vingt-cinq dernières années ont démonté que cette hypothèse est fausse. Le Plutonium et l’Américium peuvent migrer jusqu’à la nappe phréatique en l’espace de quelques décennies au lieu de milliers d’années ».
LIRE LA SUITE > PDF JOINT