2023 - Déchets nucléaires : le Conseil constitutionnel reconnaît le droit des générations futures
VIE PUBLIQUE.fr
31/10/2023
Le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur le projet d’enfouir les déchets nucléaires les plus radioactifs. Il juge pour la première fois que "les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins".
Le Conseil constitutionnel était saisi par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant le projet d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue (Cigéo) prévues par la loi du 25 juillet 2016. La décision du 27 octobre 2023 juge conforme à la Constitution les modalités de création du centre de stockage mais reconnait aux générations futures le droit de se protéger.
Le projet Cigéo a été reconnu d’utilité publique le 8 juillet 2022. L’instruction pour délivrer l’autorisation de mise en service est en cours. L’installation de stockage prévue à Bure (Meuse) prévoit jusqu’à 85 000 mètres cubes de déchets radioactifs stockés dans des galeries souterraines à l’horizon 2035-2040.
L’affirmation du droit des générations futures
Le Conseil constitutionnel reconnait pour la première fois la protection des générations à venir ("le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins"). La décision pose un cadre à la protection des générations successives (celles qui ne sont pas encore nées) : le législateur doit veiller à la respecter lorsqu’il adopte des "mesures susceptibles de porter une atteinte grave et durable" à l’environnement.
La décision du Conseil souligne que les conditions de stockage permettent "de protéger l’environnement et la santé contre les risques à long terme de dissémination de substances radioactives" et que la charge de la gestion de ces déchets n’est pas "reportée sur les seules générations futures".
Le projet Cigéo est conforme à la Constitution, juge le Conseil constitutionnel. La décision estime que le principe obligatoire de réversibilité (article L542-10-1 du code de l’environnement) est respecté notamment parce que :
- l’autorisation de mise en service est prévue pour une phase pilote, "qui doit permettre de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation, notamment par un programme d’essais in situ" ;
- "tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables durant cette phase, qui comprend des essais de récupération".
Pour les opposants au projet Cigéo, une vingtaine d’associations à l’origine de la QPC, l’installation d’enfouissement des déchets radioactifs n’est pas conforme à la Charte de l’environnement (annexée à la Constitution), notamment au principe de réversibilité.
Les organisations de défense de l’environnement dénoncent l’absence de garantie sur la réversibilité du stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs au-delà de 100 ans. Les déchets resteront radioactifs pendant plusieurs milliers d’années. Pour eux, le projet porte "une atteinte irrémédiable à l’environnement, et en particulier à la ressource en eau".