Les vignerons producteurs de cette AOC de la vallée du Rhône ne veulent plus que leur vin porte le même nom que la centrale nucléaire voisine. Pour eux, l’incident survenu il y a dix jours est « la goutte d’eau qui fait déborder le vase ».

« Cette fois il va falloir trancher. Ou le site nucléaire change de nom ou l’appellation Coteaux du Tricastin est rebaptisée ». Pour Brice Eymard, responsable du service économique de l’interprofession des vins du Rhône, plus question de temporiser. « Tant qu’il n’y avait pas d’accident à la centrale, il n’y avait pas de problème. Aujourd’hui, il est inutile qu’un producteur essaie de vendre une bouteille de Coteaux du Tricastin. On va lui rire au nez ». Qui aurait l’idée d’acheter un vin associé à un incident tel que celui qui est survenu le 8 juillet à l’usine Socatri, s’interrogent les producteurs ?

La filière locale est obsédée par l’impact sur l’image de leur vin des images retransmises par les journaux télévisés. Elle affirme en revanche ne pas craindre un empoisonnement des vignes ou du vin. A Grignan, la commune rendue célèbre par le Château de la Marquise de Sévigné, le coeur des plantations est située à 40 kilomètres des nappes phréatiques où l’on a décelé une teneur anormale en uranium. En outre, « elles sont trop profondes pour que les racines de la vigne y puisent de l’eau », expliquent les professionnels. Et l’irrigation est interdite.

Une période déjà critique

Les producteurs réclament une décision rapide de l’Inao, l’Institut national des appellations d’origine, sur un éventuel changement de nom des Coteaux de Tricastin. « Nous ne voulons plus de cette homonymie », explique Henri Bour, propriétaire du domaine de Grange Neuve. Même position du côté des élus. « Les événements récents ne peuvent que nuire aux vignerons de cette aire d’appellation », plaide Hervé Mariton, député UMP de la Drôme.

D’autant que les fuites d’uranium dans les nappes phréatiques interviennent à un moment très critique pour les Coteaux du Tricastin. Cette petite appellation des bords du Rhône, produite entre le Dauphiné et la Provence, a subi de plein fouet la crise qui a frappé l’ensemble des vins français ces dernières années. Vendue dans les grandes surfaces étrangères, comme entrée de gamme des vins de la vallée du Rhône, les Coteaux du Tricastin ont disparu des linéaires avec le resserrement de la gamme au profit des AOC les plus connues, explique Brice Eymard.

En France, où le consommateur trouvait des bordeaux au même prix que les Coteaux du Tricastin, les ventes se sont effondrées. La baisse de la fréquentation touristique de la région par les Belges et les Néerlandais, qui avaient l’habitude d’acheter à la propriété, a fait le reste. Résultat, les volumes commercialisés sont passés de 120.000 hectolitres en 2002 à 60.000 hectolitres en 2007, soit 2 % de l’ensemble de la production de la vallée du Rhône.