2009 - RUSSIE : Des matières radioactives d’EDF stockées en Russie, selon Libération
LIBERATION
Des matières radioactives d’EDF stockées en Russie, selon Libération
ASSOCIATED PRESS - 12 octobre 2009} - Le groupe français EDF envoie des substances radioactives en Russie, où elles sont stockés à ciel ouvert dans une ville de Sibérie, selon une enquête publiée lundi par le quotidien Libération, qui avance que "près de 13% des matières radioactives produites par notre parc nucléaire dorment" dans le complexe atomique sibérien de Tomsk-7.
EDF a dénoncé une présentation des faits "complètement inexacte", assurant qu’"aucun déchet nucléaire d’EDF n’est transporté en Russie".
"Chaque année, depuis le milieu des années 90, 108 tonnes d’uranium appauvri issues des centrales françaises viennent, dans des containers, se ranger dans un grand parking à ciel ouvert", selon l’enquête d’une journaliste du quotidien Libération, coréalisatrice d’un documentaire qui sera diffusée ce mardi sur la chaîne de télévision Arte.
Le combustible utilisé dans les centrales nucléaires, principalement de l’uranium, produit des déchets dits "ultimes", qui sont retraités par Areva. Mais il reste aussi de l’uranium qui n’a pas brûlé et un peu de plutonium.
Les faibles quantités d’uranium restantes sont enrichies en Russie après un voyage de plus de 8000km entre la France et la Sibérie, raconte Libération. Or, cette infime portion de cet uranium de retraitement, une fois enrichi, ne représente plus que 10% de matière utilisable par EDF et 90% d’uranium très appauvri - "les queues d’uranium" -, qui reste en Sibérie.
Cet uranium très appauvri est ensuite stocké "sur de grands parkings à ciel ouvert", affirme le quotidien, car il devient propriété de l’entreprise russe Tenex. Pour Areva et EDF, cette matière est "valorisable", alors que les experts et les écologistes jugent impossible de la réutiliser, à l’image d’une "orange pressée deux fois", qui "ne fournit plus guère de jus".
Pour Sylvain Granger, directeur de la division combustible nucléaire chez EDF, la présentation de l’article est "totalement inexacte" et "tend à créer de l’émotion sur un sujet qui en fait est un sujet connu".
Après la production d’électricité, "l’uranium qui n’a pas brûlé et qui est à peu près équivalent à de l’uranium naturel" est "effectivement aujourd’hui envoyé en Russie pour être enrichi, et cet uranium enrichi, il revient en France et il produit de l’électricité dans les centrales françaises", a-t-il déclaré à l’Associated Press. Ainsi, "il y a 20% de l’électricité d’origine nucléaire produite en France qui est produite à partir de combustibles recyclés".
"Le produit enrichi est repris par l’électricien pour être consommé dans ces réacteurs" et le produit appauvri devient la propriété de l’enrichisseur, en l’occurence des Russes, a-t-il expliqué. L’uranium appauvri, "peu radioactif", "n’est pas entreposé comme ça à ciel ouvert", il est "sécurisé dans des conteneurs" et entreposé sur le site industriel de l’enrichisseur.
"Ce qui est décrit est une pratique internationale courante, qui se fait aussi bien en France, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne et aux Etats-Unis", a-t-il ajouté, notant qu’"on a 200 000 tonnes d’uranium appauvri en France".
"Depuis longtemps, une partie des déchets qu’Areva prétend recycler à La Hague pour qu’ils soient réutilisés dans des réacteurs finit en réalité stockée dans les plaines de Sibérie", affirme de son côté Yannick Rousselet, chargé de campagne Nucléaire à Greenpeace France. "La version officielle serait que cette matière y est ré-enrichie afin de pouvoir être réutilisé comme combustible. En réalité, seuls moins de 10% de la matière reviennent en France", estime Greenpeace dans un communiqué.
"Actuellement, au maximum deux réacteurs nucléaires français (Cruas 3 et 4) sont susceptibles de réutiliser ce combustible", souligne Greenpeace, qui "met au défi Areva et EDF de publier avec précision les données sur l’ensemble des flux de matières entre la sortie des réacteurs, lors des opérations de retraitement, conversion et ré-enrichissement puis à la fin de retour en réacteur".
De son côté, le réseau "Sortir du nucléaire" accuse Areva et EDF de jouer sur les mots "pour abuser l’opinion publique". Dans un communiqué, le réseau juge qu’il ne faut pas "confondre ’recyclable’ et ’recyclé’ ".