EST REPUBLICAIN - 01/04/2010

Bure : Feu vert pour la ZIRA

Le gouvernement a validé le périmètre proposé par l’Andra pour poursuivre les recherches sur le stockage des déchets radioactifs.
L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs n’attendait que cela pour poursuivre ses recherches dans le secteur de Bure et définir l’emplacement des installations du futur centre de stockage souterrain des déchets hautement radioactifs. Dans un courrier daté du 9 mars, adressé au président de l’Andra, le ministre de l’Écologie et de l’Énergie, Jean-Louis Borloo, approuve le périmètre de la zone d’intérêt pour la recherche approfondie proposé à l’automne dernier (lire notre édition d’hier).
« Je souhaite que vous poursuiviez vos investigations sur cette zone (...) de façon à ce que vous puissiez remettre d’ici fin 2012 un dossier support au débat public prévu avant le dépôt de la demande d’autorisation du stockage », précise le ministre qui demande aussi à l’Agence de veiller « à étudier l’implantation de l’entrée de la descenderie pour le stockage dans la zone limitrophe de Meuse/Haute-Marne ».
Autrement dit, de faire en sorte que l’entrée du tunnel qui conduira aux installations souterraines se situe dans la future zone interdépartementale de Bure-Saudron où se trouve déjà le laboratoire de recherches et où le Commissariat à l’énergie atomique s’apprête à construire un démonstrateur biomasse destiné à mettre au point les biocarburants de deuxième génération.

Sans attendre l’avis du CLIS

Le gouvernement n’a donc pas attendu que le comité local d’information et de suivi (CLIS) rende un avis complet. « On nous est passé au-dessus de la tête », se désole son président, Jean-Louis Canova. « L’Andra était dans les starting-blocks, il fallait aller vite. Mais on ne peut pas nous demander un avis en un mois ; c’est pour cela que nous avons lancé un appel d’offres pour commander une expertise indépendante. »
De la même manière, le gouvernement n’a pas tenu compte de la délibération du conseil municipal de Bonnet qui a formellement dit son opposition à la ZIRA retenue en se prononçant plus largement contre « l’enfouissement » des déchets radioactifs dans le sous-sol communal. « Cette délibération n’a pas de valeur juridique en soi, c’est symbolique, cela traduit un vœu du conseil municipal », explique le secrétaire général de la préfecture qui a signé, le 23 mars dernier, un arrêté permettant aux chercheurs de l’Andra de pénétrer dans les propriétés publiques et privées de la ZIRA.
Dans une zone de 37 km2, essentiellement sur le territoire des communes de Bure, Mandres-en-Barrois, Ribeaucourt et Bonnet, les scientifiques vont désormais pouvoir approfondir leurs études du sous-sol, entre avril et août. L’Andra aura ensuite jusqu’à fin 2012 pour proposer l’implantation précise des 15 km2 de galeries destinées au stockage souterrain et des installations en surface. Jusqu’en 2120 1998 : choix du site de Bure pour accueillir le laboratoire de recherches. 2010 : choix de la ZIRA pour approndir les investigations. 2013 : débat public. 2015 : demande d’autorisation de stockage par l’Andra. 2025 : mise en exploitation du centre de stockage des déchets hautement radioactifs. 2120 : fin programmée des opérations de stockage en sous-sol.

Baptiste BIZE

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La propriété privée balayée

Du collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs CDR55 et les habitants vigilants du canton de Gondrecourt

L’arrêté préfectoral qui autorise l’Andra à aller n’importe où, est la négation totale des droits des habitants de la région de Bure. Nous estimons que l’arrêté préfectoral autorisant l’Andra à toutes investigations, avec le concours de la force publique, est un véritable passage en force pour l’enfouissement des déchets nucléaires les plus dangereux.
Les habitants des quatre communes de la ZIRA n’ont donc plus aucun droit sur leur propriété.
C’est ainsi qu’avance le nucléaire : creuser d’abord, discuter plus tard. Il faut rappeler que le projet d’enfouissement recèle des zones d’ombre qui n’ont jamais encore eté exposées aux maires et aux populations. L’Andra fait état de Zones intermédiaires de surface. Zones d’entreposage de longue durée des déchets atomiques en attente de refroidissement ? Quelles surfaces, quels dangers ? Quel statut ? Le problème des transports nucléaires dans cette région non nucléarisée reste entier.
Les déchets FAVL cherchent toujours commune preneuse et risquent bien de trouver asile en Lorraine et Champagne-Ardenne, dont on a décidé en haut lieu et de façon arbitraire qu’elles pourraient devenir la poubelle atomique de la France !

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Les réactions des élus

« C’est une affaire d’État » Jean-Pierre Remmelé, maire de Bonnet : « C’est une affaire d’État qui nous dépasse. On se sent impuissants. Alors notre délibération vaut ce qu’elle vaut mais on a reçu le soutien des conseils municipaux d’une douzaine de communes. »

« C’est évident que le centre sera ici » Gérard Antoine, maire de Bure : « C’était évident que la zone serait là et c’est évident que le centre sera ici. On le savait très bien, ça fait quand même quinze ans qu’on suit le dossier. Les habitants du pays on 75-80 ans, c’est un pays vieillissant, ils ne vont pas aller manifester ; ça ne les dérange pas tant que ça. De toute manière, si quelqu’un prétend qu’il peut arrêter le chantier, je demande à voir ! »

« Je n’ai pas le temps en ce moment » Xavier Levet, maire de Mandres-en-Barrois, ne souhaite toujours pas s’exprimer sur le sujet.

« J’ai d’autres chats à fouetter » Luc Breuil, maire de Ribeaucourt : « Est-ce que j’ai toujours l’intention de consulter la population ? Oui, mais j’ai d’autres chats à fouetter avec les travaux de l’église ; ce n’est pas ce qui me tracasse le plus en ce moment ces histoires d’Andra. »

« Que justice soit faite ! » Christian Namy, président du conseil général de la Meuse : « Le dossier avance. Le choix de la ZIRA est un avis technique de scientifiques et les politiques n’ont pas à le commenter. En revanche, le laboratoire est dans la Meuse, la ZIRA aussi, et j’estime que le département n’en bénéficie pas assez. La Haute-Marne a exactement le même accompagnement financier que la Meuse sans rien avoir sur son territoire : il faudra bien un jour que justice soit faite ! Il faut rétablir un équilibre au profit de la Meuse. Quant au choix de faire sortir la descenderie dans la future zone interdépartementale, c’était une demande du président du conseil général de la Haute-Marne et de moi-même. Je ne peux que l’approuver. »

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Reaction / Nadine Schneider Porte-parole du CDR 55 et des Habitants vigilants

"On nous est passé au-dessus de la tête. L’Andra était dans les starting-blocks. Il fallait aller vite. "

Vous représentez une association d’opposants à l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Vous avez sollicité cet entretien, pourquoi ?

L’Est Républicain a publié une série de trois entretiens avec Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l’Andra. Il nous semblait important que les lecteurs prennent connaissance d’un autre point de vue que celui très rassurant livré par l’Andra qui est le bras technique d’un enjeu qui dépasse l’Andra. Madame Dupuis fait son travail mais les omissions sont nombreuses. C’est-à-dire ? Le « laboratoire », la réversibilité : on joue sur les mots qui travaillent à l’acceptabilité d’un dossier où l’étau se referme, petit à petit. C’est réversible jusqu’à quand ? Jusqu’au jour où ce sera un enfouissement définitif. Appelons un chat, un chat : Bure, c’est une installation nucléaire. Un point, c’est tout. L’Andra présente un discours qui est à la limite de la manipulation. Vous avez l’impression que la marche en avant est inéluctable ? Bien entendu. Il devait y avoir trois laboratoires. Deux ont été abandonnés. Il en reste un, Bure. Nous sommes donc hors la loi et cela ne gêne personne. Il doit y avoir un débat public. Qui s’opposera au Parlement ? On a déjà escamoté les conclusions de Georges Mercadal en 2005 parce que la Zira est un choix politique. Quand le maire de Bonnet - dont je salue le courage - s’oppose à l’enfouissement, le préfet annonce qu’il passera outre. Le GIP ? Le site n’est pas à jour depuis 2005. Le récapitulatif des subventions est inexistant. Quelle transparence ! D’autant que le président du GIP, c’est Christian Namy. Tout cela, c’est de l’emballage ; une économie artificielle où l’argent du nucléaire va au nucléaire quand l’aménagement du territoire (autour de projets dits structurants) permet à Areva de créer son centre d’archivage. La population locale, elle, se contentera des miettes, d’emplois peu qualifiés. Vous avez l’impression que la nasse se referme ? Bien sûr. On ne m’ôtera pas l’idée que le choix d’un site sur deux régions, sur les deux départements les moins peuplés et les plus agricoles, est stratégique et sociologique. Historiquement, la Meuse est un couloir d’invasion, une terre de sacrifices. Bure, c’est la raison d’Etat. Est-ce suffisant pour occulter un débat moral : quelle Meuse laisserons-nous à nos enfants ? Il faut le croire.