Lettre ouverte à M. Hervé Morin - Le Monde
REACTION COLLECTIVE
26 mai 2007
Réaction à un article du 26 mai 2007/Le Monde
paru dans un dossier sur le nucléaire "Une solution pour les déchets en 2025".
BAR LE DUC, 27 mai 2007
Ces quelques mots en réaction à votre article du 26 mai 2007 - Le Monde - paru dans un dossier sur le nucléaire, dont le titre "Une solution pour les déchets en 2025", nous apparaît hâtif et impropre.
Il est tentant sans doute, à partir des nombreuses communications scientifiques parues sur le sujet, suite à la Loi de juin 2006, de conclure au terme de "solution" pour le casse-tête récurent de la gestion des déchets radioactifs.
La perspective actuelle de relance d’un nouveau programme électro-nucléaire demande à tout prix que cette question soit résolue.
Mais pour nous, issus d’associations concernées par le problème, depuis près de 30 ans, la solution n’a été, à ce jour, ni prouvée, ni contre-expertisée, ni légitimée citoyennement.
En ce qui concerne les déchets à décroissance rapide (300 ans ou 3 vie humaines), la terminologie de "fuites minimes" sur leur centre de stockage n’est pas véritablement appropriée au regard de leur extrême dangerosité.
Les quinze années de recherche de la loi Bataille sur les déchets à haute activité et à vie longue (milliers à millions d’années ou quelques civilisations) n’ont mis en évidence, à notre sens, que l’impuissance totale de l’homme à gérer ces produits que les gouvernements successifs escamotent à la conscience publique.
La séparation-transmutation ? Repoussée en 2020 par la Loi ? Elle ne fonctionne toujours pas, relevant au dire de nombreux scientifiques d’un rêve d’alchimiste.
L’entreposage en sub-surface ? Il est envisagé de façon uniquement temporaire, et ne fera plus l’objet de crédits d’étude. Le débat public de 2005 concluait pourtant que les personnes interrogées préféraient savoir ces déchets en sites de surface plutôt qu’enterrés définitivement dans le sous-sol.
L’enfouissement à 500 m sous-terre, à BURE (Meuse / Haute-Marne) ? Le cahier des charges des travaux de recherches est simple : "confiner la radioactivité, limiter et retarder le retour de celle-ci à la biosphère". Cela veut dire quoi ?
Que le risque pour la santé et l’environnement de nos descendants est anticipable et anticipé par ses promoteurs. Qu’il ne s’agit en aucun cas d’une "solution" qui se respecte. Si d’emblée notre génération prenait ce risque, il devrait l’être par la collectivité toute entière, non par le seul appareil industriel et politique.
Vous parlez de poursuites de recherches à Bure dans les années à venir, et c’est bien cette lecture erronée de la loi 2006 qui nous inquiète. Le processus visant à dire que les DHAL sont "enterrables" (à l’instar de nos responsabilités ?) est lancé. Les moyens industriels déployés sur le chantier ne servent plus à étudier mais à mettre en oeuvre la construction d’une immense installation nucléaire souterraine. Le rendez-vous parlementaire de 2015 ne portera par sur l’appréciation collective du risque, mais est d’ores-et-déjà acté comme un simple laissez-passer industriel.
Croire ou laisser croire officiellement qu’une solution existe, et qu’un choix de société, par voie parlementaire, est encore possible sont de graves erreurs d’appréciation, que nous souhaiterions vivement ne plus voir véhiculée par la voies des médias.
Restant à votre disposition pour tous renseignements complémentaires, nous vous prions d’agréer, Monsieur, nos sincères salutations.
Le CA de la Coordination nationale des collectifs,
Les collectifs Bure-Stop