2010 - Y a-t-il une solution pérenne pour les déchets hautement radioactifs ?
LA CROIX (Emmanuelle RÉJU)
08/11/2010
Y a-t-il une solution pérenne pour les déchets hautement radioactifs ?
Un train de déchets radioactifs retraités par le français Areva est arrivé lundi 8 novembre à son terminus dans le nord de l’Allemagne, après des manifestations d’une ampleur inédite depuis le début de ces transports en 1995.
Georges Mercadal
Président du débat public sur les déchets nucléaires
« Lors du débat public organisé en France avant la loi de 2006 sur les déchets nucléaires de haute activité et à vie longue, deux camps se sont manifestés quant à leur gestion, comme c’est le cas dans les autres pays confrontés à ce problème. Certains prônent la solution géologique, d’autres l’entreposage pérennisé.
Les premiers, composés essentiellement de responsables de l’administration, d’industriels, de scientifiques, pensent qu’il faut stocker ces déchets en grande profondeur et ensuite boucher le trou. Le public exprimait de son côté la crainte de procéder à des opérations irréversibles, alors même que des phénomènes qu’on n’aurait pas imaginés pourraient se produire en sous-sol au bout de cent, deux cents, quatre cents ou mille ans.
Une autre option avait donc été avancée : garder ces déchets sous surveillance, dans des centres de stockage adaptés et placés en surface. Cet “entreposage pérennisé” avait ses défenseurs, d’autant que le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) affirme qu’il est techniquement possible de repérer d’éventuelles fuites de ces colis de déchets à haute activité et surtout de les réparer.
« Le Parlement a demandé une solution de réversibilité »
Le Parlement français a opté pour la solution géologique. Des recherches en ce sens ont été confiées à l’Andra (l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), qui travaille à la création d’un centre de stockage profond à horizon 2025. Le Parlement a néanmoins demandé une solution de réversibilité.
Dans un premier temps, les colis ainsi entreposés en profondeur devront pouvoir être accessibles. Le site ne pourra être définitivement bouché qu’après un long laps de temps. Un débat public devra avoir lieu – avant adoption définitive du projet – sur les conditions de cette réversibilité.
Une autre piste de recherche avait été explorée à la suite de la première loi française sur les déchets nucléaires de 1991 : celle de la transmutation, c’est-à-dire de la transformation de ces déchets de haute activité et à vie longue en déchets à vie plus courte.
« L’entreposage pérennisé ne doit pas être totalement écarté »
Quinze ans plus tard, des résultats avaient été obtenus, mais je n’ai pas entendu de voix scientifique défendre fortement cette solution. Le passage des expériences menées en laboratoire à l’échelle industrielle paraît notamment très complexe. Cela dit, la loi de 2006 affirme que le CEA doit poursuivre les recherches dans cette voie.
Je pense pour ma part que la solution dite de “l’entreposage pérennisé” ne doit pas être totalement écartée. Cette solution n’a pas été retenue, car elle fait peser la gestion de ces déchets sur les générations futures.
Certains s’inquiétaient notamment du fait qu’on ne pourrait s’assurer que leur suivi serait garanti dans l’avenir. Pour explorer cette piste, il aurait fallu mobiliser les sciences sociales et l’histoire. »