NOVETHIC
Planète \Environnement \Energie

Déchets radioactifs, la concertation impossible ?

Les manifestations récentes autour du convoi franco-allemand de déchets radioactifs témoignent de la difficulté à organiser le dialogue sur ce sujet. Le prochain débat public, prévu pour 2013, parviendra-t-il au moins à mettre tout le monde autour de la table ?

Vendredi 5 novembre. 5000 manifestants français et allemands jalonnent les rails qui relient Valognes, dans la Manche, à Gorleben, dans le nord de l’Allemagne. Leur but : perturber le convoi ferroviaire de 123 tonnes de déchets radioactifs, surnommé « train de la mort ». Finalement, les déchets arrivent au centre de stockage allemand trois jours plus tard. Mais cet épisode fortement médiatisé a de nouveau soulevé la polémique. Et témoigne de la difficulté à mener une concertation publique efficace sur le stockage des déchets radioactifs.


Quelle place pour le dialogue ?

Pourtant, aux dires de Thomas Branche, sous-directeur de l’industrie nucléaire, « la concertation publique menée depuis vingt ans a déjà des acquis importants. » Pour preuve, si la loi de 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs ne portait que sur les déchets de haute activité, quinze ans plus tard et suite aux attentes de la société civile, le débat public de 2005 a été élargi à tous les types de déchets radioactifs. Et ce même débat a abouti en 2006 à la rédaction de la loi sur « la gestion durable des matières et déchets radioactifs », qui intègre le principe de réversibilité du stockage. Pour Thomas Branche « l’élargissement aux matières radioactives et l’intégration de la réversibilité sont les grands acquis du débat public. » À l’Andra*, le caractère réversible du stockage est également décrit comme le fruit d’un processus démocratique. D’après Sébastien Farin, adjoint de la directrice de la communication, « la demande de réversibilité émane de la société et toutes les décisions sont prises pour permettre aux générations futures d’agir sur le processus de stockage. » Mais les opposants anti-nucléaire ne le voient pas du même œil. « La réversibilité n’est qu’un chiffon rouge agité par l’Andra pour détourner l’attention du public ! », fustige Corinne François, membre du collectif Bure-Stop. « D’autant que les colis enfouis ne pourront être récupérés que pendant la phase opérationnelle du stockage. Une fois que le centre aura fermé ses portes, les déchets seront définitivement stockés, sans aucun retour en arrière possible. » Alignés sur les positions du réseau Sortir du Nucléaire, la militante appelle à un débat public sur les orientations stratégiques pour la politique énergétique des cinquante prochaines années. « Arrêtons d’abord de produire des déchets, ensuite nous verrons comment traiter ceux que nous avons sur les bras ! »


Les futurs centres de stockage au cœur de la controverse

Au grand dam des opposants, une éventuelle sortie du nucléaire n’est pourtant pas prête d’atterrir sur la table des négociations française. La concertation publique porte donc surtout sur la localisation des futurs centres de stockage des déchets radioactif. Si la recherche d’un site pour stocker les déchets à faible radioactivité (FAVL) ** est au point mort (voir encadré), un débat public est en revanche prévu pour 2013 sur l’implantation d’un centre de stockage pour les déchets hautement radioactifs. Ceux-là représentent moins de 10% des déchets radioactifs français, mais renferment 95 % de la radioactivité globale. L’Andra a d’ores et déjà identifié un site, d’une superficie de 30 kilomètres carrés à 500 mètres de profondeur. Sébastien Farin précise que le choix final de cette zone s’est fait en concertation avec les acteurs de la Meuse et la Haute-Marne directement concernés (élus, Comité local d’information et de suivi, associations …). « Les études scientifiques et techniques nous permettaient d’identifier quatre zones possible. Nous avons donc consulté les acteurs locaux. Beaucoup nous ont, par exemple, demandé de construire ce centre sous-terrain plutôt sous la forêt et non sous les habitations. C’est en combinant ces attentes aux critères scientifiques et techniques que nous avons finalement statué sur une zone à présenter au ministère. »

Dénonçant le laboratoire de recherche nucléaire de Bure (Meuse), depuis sa création en 1994, le Collectif Bure-Stop s’indigne de cette « implication » des élus locaux. « Il faut que nos élus locaux se réveillent et arrêtent de prendre les millions d’euros qui se déversent chaque jour dans la région ! » réclame Corinne François.

Comment préparer le débat de 2013 ?

Le débat public prévu pour 2013 s’annonce donc houleux. Les opposants comptent bien signifier leur désaccord, comme ils l’avaient fait pour le précédent débat de 2005 en organisant des manifestations en marge des réunions publiques. Participerons-t-ils, cette fois-ci, à ces réunions publiques ? « Pour l’instant, nous n’avons pas encore décidé, précise Corinne François. Quoi qu’il en soit, nous savons que le débat public n’est qu’une soupape de sécurité pour les pouvoirs publics. Un débat « bidon », puisque les décisions sont prises en amont. » Pour Bertrand Plancher, député de la Meuse et président de l’association Décider Ensemble, l’enjeu est en revanche de mobiliser les citoyens. « Le dernier débat a montré les limites des réunions publiques, auxquelles les citoyens ont finalement peu participé. Il faut donc trouver d’autres outils de dialogue, et privilégier l’approche locale. Pourquoi ne pas s’inspirer de la méthode suédoise, organiser du porte-à-porte et des sondages d’opinion très ciblés ? » Secrétaire général de la Commission Nationale du Débat Public, Jean-François Beraud va dans ce sens : « nous devons attendre la lettre de saisine pour définir le périmètre de ce futur débat public, mais il sera vraisemblablement plus localisé que le précédent. »

Comme le souligne François Michel Gonnot, président de l’Andra, « la condition de l’installation du centre de stockage, n’est pas le dialogue, mais bien l’acceptation. » Et de garantir : « si nous ne sommes pas capables de rendre cette installation acceptable, donc acceptée, elle ne verra jamais le jour. »

* Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs
** Faiblement radioactifs à vie longue

Anne Farthouat
Mis en ligne le : 06/12/2010
© 2009 Novethic - Tous droits réservés