Si ça n’est pas une colère froide, ça y ressemble bougrement. Au terme d’une minutieuse instruction alimentée par de nombreuses auditions, Claude Birraux, député (UMP) de Haute-Savoie, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et Christian Bataille (PS) adressent un double rappel à la loi aux industriels et au gouvernement.

Dans le collimateur, EDF et son PDG, Henri Proglio, nommément cité, sont accusés de sacrifier au court-termisme en succombant à la rentabilité au détriment de la sécurisation de la filière : d’où l’inquiétude exprimée face « au coup de frein sur l’effort de recherche concernant l’élimination d’une partie des déchets nucléaires par transmutation ». Si elle ne fascine guère les industriels, c’est que la recherche sur la séparation-transmutation [élimination directe des radioéléments les plus nocifs] ne cadre guère avec « le réalisme économique » dénoncé par les orateurs. Pourtant, la transmutation constitue l’un des objectifs de recherche définis par les lois de 1991 et 2006.

Autre point de crispation épinglé par l’Office parlementaire, le dossier du stockage qui a provoqué ces derniers mois une brusque poussée de fièvre entre EDF et l’Andra (Agence nationale en charge de la gestion des déchets radioactifs). Birraux et Bataille grondent : « Ces tensions font suite à l’annonce par l’Andra d’une estimation du coût futur du stockage géologique [à Bure d’ici 2025] nettement plus élevée que la précédente ».

Certaines estimations chiffrent la facture globale entre 20 et 30 milliards, au lieu des 13 milliards initiaux. Une ardoise supportée à 80% par EDF. Ce cocktail prohibitif résulte d’un mélange d’inflation, de hausse des matières premières et de surcoût lié à la réversibilité du stockage. Les deux députés comprennent « la crainte » des industriels face à cette inflation des coûts. Mais, ils conseillent à EDF ne pas tenter de court-circuiter l’Andra en avançant des alternatives par trop hasardeuses et « dont l’impact sur la sécurité reste totalement à évaluer ». Pour lever toute ambiguïté, Claude Birraux et Christian Bataille soulignent que le producteur de déchets radioactifs ne peut en aucun cas en être le gestionnaire final.

Suspicions autour de l’État

Autre cible de ce rapport d’étape, l’État est suspecté de ne pas jouer le jeu de la procédure arrêtée par la loi. « Depuis qu’elle a été créée en 2006, la Commission nationale d’évaluation financière n’a jamais été réunie », fulmine Christian Bataille en appelant au respect scrupuleux du cadre défini par le législateur.

Enfin, les deux parlementaires incriminent l’inconstance du gouvernement. Ils visent implicitement l’Élysée, accusée d’entretenir un climat de tension au sein de la filière. Cible de campagnes de déstabilisation à répétition, Anne Lauvergeon, PDG d’Areva bénéficie, là, d’un soutien appuyé. « Je veux dire ici ma grande estime pour Anne Lauvergeon qui a fait de son groupe le leader mondial dans son secteur.
L’écarter de ses fonctions constituerait une erreur lourde », tranche Claude Birraux. Mêmes critiques formulées à l’encontre de la loi NOME (Nouvelle organisation du marché de l’électricité) accusée de favoriser l’émergence « de passagers clandestins » de la revente d’électricité nucléaire. Et ce, dans un contexte international dépourvu de normes de sûreté des centrales.

Le Républicain lorrain / Xavier Brouet

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