1994 - 1999 > Argumentaire des collectifs

La Coordination Nationale des collectifs contre l’enfouissement des déchets radioactifs regroupe les collectifs des sites concernés (Meuse, Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle, Vosges), des anciens sites (Vienne, Charentes, Gard ; Ille-et-Villaine), des 15 sites pressentis début 2000 pour un second "labo" d’enfouissement dans le granite ainsi que des associations de citoyens, des scientifiques, des géologues, des médecins, des élus.
Notre opposition au principe de l’enfouissement et au projet de pseudo laboratoire de recherches ne s’appuie pas sur des "peurs irrationnelles" mais sur une interrogation, une réflexion et une recherche d’informations réellement indépendantes.
Il est évident que toute création de laboratoire est un prélude à l’enfouissement des déchets nucléaires.
Un premier site a été choisi dans l’argile à Bure (Meuse) et le décret ministériel d’août 99 y a lancé le début des travaux de construction d’une éventuelle future "poubelle nucléaire souterraine".
Quinze sites ont été désignés dès février 2000 pour la création d’un second "laboratoire" dans le granite, selon la loi de 1991. Face à la mobilisation importante et concertée sur tous ces sites, la mission collégiale chargée de ces démarches a dû suspendre ses recherches. D’après les conclusions rendues en juillet 2000, aucun site n’est pour le moment retenu.
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HISTOIRE D’ENFOUIR... Les grands repères
1950 : Début de production des déchets radioactifs
1987 : 4 départements sont retenus à leur insu pour l’enfouissement : L’Ain, l’Aisne, le Maine et Loire et les Deux-Sèvres
1988 : Les forages commencent. Des Collectifs se créent et les actions d’opposition sur le terrain se multiplient.
1990 : Face à la mobilisation des populations : suspension des travaux pour redéfinir le projet (Moratoire du 1er Ministre Rocard)
1991 : Une loi sur la gestion des Déchets radioactifs est votée le 30.12.91. C’est le député Christian BATAILLE qui est chargé du dossier.
Au vu des réactions des départements précédents, on change de termes, on ne parle plus d’enfouissement mais de laboratoire de recherche, et l’État versera 60 Millions de F. par an et par département pendant 10 ans.
1993 : Devant cette manne financière de nouveaux départements sont candidats, 4 sont retenus : Gard, Haute-Marne, Meuse, Vienne. Pas d’opposition au sein des Conseils Généraux.
Des Collectifs d’opposition au projet se créent spontanément, s’organisent autour d’une Coordination Nationale regroupant anciens et nouveaux départements.
1994 : L’Andra entreprend des forages de prospection. Les Collectifs informent les populations, manifestent, et entament des actions en justice.
1995 : L’Andra achète maisons et terrains, distribue des subventions importantes aux collectivités, aux
entreprises et aux privés et poursuit les forages. Meuse et Haute-Marne ne forment plus qu’un seul site. Les Collectifs poursuivent leurs actions, des Collectifs d’Élus se créent.
1996 - Mars 96 : Comptes-Rendus des études de forages. Établissement du nouveau rapport Bataille.
Mai 96 : Les 3 sites sont retenus pour les études préalables. Les enquêtes publiques ont été effectuées début 1997.
1998 - 9 décembre 1998 : le Meuse est retenue pour son site argileux à Bure. Sites granitiques non désignés.
Août 99 : signature du décret d’autorisation de construction d’un “laboratoire” à Bure par quatre ministres : Stauss-Kahn, Allègre, Voynet et Jospin
Novembre 1999 : début des travaux
Février 2000 : "nomination de 15 sites granitiques"
2006 (?) : Décision finale par le Parlement
Nous sommes opposés à l’enfouissement des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue (déchets B & C) :
1 - L’enfouissement met en danger les générations futures :
L’enfouissement (le but d’une des trois voies de recherche) ne vise qu’à retarder le retour des radio nucléides dans la biosphère.
“... Limiter et retarder le transfert de la radioactivité issue des déchets dès lors qu’il y a relâchement, et ce, afin de réduire au minimum les flux d’activité arrivant jusqu’à l’homme, en tirant parti autant que possible de la décroissance radioactive...” (Extrait Bilan Travaux 1994 de l’Andra - Objectifs des études)
" il est impossible de prouver qu’un confinement restera efficace jusqu’à la décroissance totale de la radioactivité des déchets... le but d’un stockage est de retarder au maximum son retour à la surface. " (Rapport Bataille/page 73)
“Cette solution n’est pas satisfaisante et l’on a raison de se mobiliser contre ces méthodes de stockage. Géologiquement parlant, le sous-sol est le plus mauvais endroit pour stocker des déchets à long terme. Pourquoi ? Il contient de l’eau qui circule et pénètre tout...“ (Claude Allègre, président du BRGM/Bureau des Recherches Géologiques et Minières)
Voir à ce propos l’article de Science et Vie de mars 2000
Les emballages des colis (qui conditionnent les déchets) ne seront fiables, dans l’état actuel des recherches, que quelques dizaines d’années. (voir annexe 2)
L’enfouissement met donc irrémédiablement en danger l’eau, qui sera un vecteur de transmission de radioéléments dans la biosphère et sera elle-même contaminée. Or l’eau sera l’enjeu majeur du siècle (des siècles) à venir.
Ces déchets ont une durée de vie de l’ordre de plusieurs milliers, voire millions d’années. Il est impossible de garder la mémoire d’un site de stockage pendant des millénaires. La Règle Fondamentale de Sûreté (III 2 f) elle, envisage de pouvoir la garder 500 ans.
On met en danger les générations futures, ce qui est contraire au principe de précaution.
L’article n°1 de la loi* n’est donc pas respecté. (Article 1) “La gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue doit être assurée dans le respect de la protection de la nature, de l’environnement et de la santé, en prenant en considération le droit des générations futures.”
* Loi du 31. 12. 91
2 - L’enfouissement implique l’irréversibilité :
(Art. 4- extrait) "Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport faisant état de l’avancement des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et des travaux qui sont menés simultanément : ... L’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains..."
La loi envisage dans cet article 2 possibilités :
- Le stockage irréversible est inacceptable : Cette solution est inacceptable pour toutes les raisons énoncées précédemment (retour inévitable des radio nucléides dans la biosphère, perte de la mémoire du site...)
- Le stockage réversible est impossible : La réversibilité n’est qu’un argument destiné à convaincre les élus locaux et les populations. En effet la réversibilité est irréalisable. L’Andra elle-même reconnaît que les colis seront inaccessibles : “Si on conservait un accès vers les colis, cela nuirait à la sûreté et à l’étanchéité du site.” . (Extrait du journal GÉO, déclaration du directeur de l’ANDRA)
“Le stockage sera réversible pendant la durée de remplissage du site” . (Déclaration de Mrs Régent et Courtois du CEA à l’ILCI de Bar-le-Duc)
Il y a donc incompatibilité entre la réversibilité et le fait que l’on doive boucher les galeries.
De plus, pour des raisons de coût et de risques inévitables d’atteinte à la santé d’éventuels intervenants, la récupération des colis s’avérera complètement impossible. Le précédent du site de La Hague l’a démontré.
Nous sommes opposés au projet de laboratoire car il mène inéluctablement à l’enfouissement :
Pourquoi des laboratoires de si grande taille ? Pourquoi tant d’argent distribué dans les régions concernées ? Pourquoi une telle propagande sur ce projet ? Pourquoi une telle hâte ? Les pseudo recherches de l’Andra ne sont-elles pas destinées à valider ce projet ?
La loi du 31.12.91 est une loi de circonstance, destinée à qualifier des sites de stockage souterrains. Cette loi a été établie après une opposition des populations et des élus au projet d’enfouir en 1987. (annexe 3)
Sur les 15 articles de cette loi, 13 sont consacrés à l’axe de l’enfouissement en couches géologiques profondes. (annexe 4)
1 - L’importance de l’accompagnement financier est révélatrice de la volonté d’enfouir :
(Art. 12 - extrait) Un groupement d’intérêt public peut être constitué, dans les conditions prévues... en vue de mener des actions d’accompagnement et de gérer des équipements de nature à favoriser et à faciliter l’installation et l’exploitation de chaque laboratoire. Outre l’État et le titulaire de l’autorisation prévue à l’article 8, la région et le département où est situé le puits principal d’accès du territoire est à moins de dix kilomètres de ce puits, ainsi que tout organisme de coopération intercommunale dont l’objectif est de favoriser le développement économique de la zone concernée, peuvent adhérer de plein droit à ce groupement.
La loi autorise l’achat des consciences : après le décret, 60 MF seront attribués aux sites retenus pendant 8 ans.
Par ailleurs, avant enquête publique et avant autorisation des construction des laboratoires, l’ANDRA a versé 5 MF par an pendant 3 ans et 10 MF en 1997, aux départements concernés. On peut apparenter cette pratique à de la corruption.
" Les départements ruraux ne sont pas destinés à recevoir une poubelle nucléaire, malgré l’énorme chantage à l’emploi et à l’argent qui y est exercé. " (Déclaration de Ségolène ROYAL le 27 O5 97 à Bar-le-Duc et Saint-Dizier)
2 - Le manque de démocratie et d’information réelle est inacceptable dans un tel processus :
- L’article 6 prévoit une concertation qui n’a pas réellement eu lieu. Le décret d’application, lui, prévoit une consultation, que M. Bataille, médiateur était chargé de mener à bien. Celui-ci ne l’a pas réalisée.
Un recours a été formé devant le conseil d’État, il a été rejeté, en contradiction totale avec l’avis du Commissaire du Gouvernement !
Une plainte est maintenant déposée devant la Commission Européenne, soutenue par Corinne Lepage.
(Art. 6 ) "Tout projet d’installation d’un laboratoire souterrain donne lieu, avant tout engagement des travaux de recherches préliminaires, à une concertation avec les élus et les populations des sites concernés, dans des conditions fixées par décret." - Il n’y a jamais eu de véritable débat contradictoire entre toutes les parties : promoteur du projet, élus locaux, collectivités et associations d’opposition.
- L’Andra est à la fois juge et partie : propagande et promotion sur les sites, écoles, milieux médicaux, petites et moyennes entreprise locales ; achat d’espaces de publi-information dans la presse locale et nationale.
3 - Il y a risque d’impact socio-économique négatif : tourisme, thermalisme, industrie agro-alimentaire, viticulture, eaux minérales...
En terme d’image : l’installation d’une “poubelle nucléaire” véhicule une image négative. Le tourisme vert, les Labels et Appellation d’Origine Contrôlée seront remis en cause.
Les Syndicats des viticulteurs de la Vallée du Rhône se mobilisent fortement. “Le risque d’atteinte à notre appellation est considérable. Imaginez que l’on dise un jour que les Côtes du Rhône sont situées sur la poubelle nucléaire de l’Europe” . (Christian PALY, Président du Syndicat Général des Vignerons réunis des Côtes du Rhône)
On peut s’inquiéter fortement pour le bassin d’activité de Vittel-Contréxéville : eaux minérales, thermalisme, activités touristiques fortement développées, ainsi que pour toutes les activités agro-alimentaires et de tourisme vert dans les zones concernées par les futurs sites de stockage nucléaire. n En 1987, certains contrats à l’exportation ont été menacés pour la seule raison qu’un site était pressenti. Les principaux agents économiques se sont tous opposés : dans l’Ain (Bleu et Poulet de Bresse), dans l’Ile-et-Vilaine (Agro-alimentaire et industrie laitière)
En terme d’avenir : les perspectives financières proposées par l’Andra ne peuvent être un véritable plan d’aménagement et de développement fondé sur les potentialités réelles des départements concernés. Un déséquilibre économique interviendra, dû à cette manne énorme mais exceptionnelle, et mal répartie. Ce développement artificiel sera à terme un handicap, lorsque les crédits n’existeront plus (au bout de 15 ans).
Pour toutes les raisons précédemment énoncées, il est “urgent d’attendre” : On ne doit pas faire le choix d’ “empoisonner” la terre.
Il n’existe pas à ce jour de moyens pour neutraliser la toxicité des déchets radioactifs. Il faut développer des programmes de recherche afin de mettre au point des technologies supprimant les dangers liés aux déchets radioactifs. Rien ne justifie cette hâte d’enfouir, sinon peut-être le fait de vouloir démontrer que le cycle du nucléaire est bouclé.
La Coordination Nationale des Collectifs exige :
- L’arrêt de la production des déchets radioactifs pour lesquels il n’existe pas de solution satisfaisante de gestion. La sortie du nucléaire est impérative.
- L’abrogation de la loi de 1991 et la remise à plat de la gestion des déchets radioactifs. (Le concept de l’enfouissement doit être éliminé.)
- L’arrêt des travaux à Bure.