CIGEO : L’ASN MET UN COUVERCLE SUR UN DOSSIER EXPLOSIF
Les associations dénoncent une nouvelle fuite en avant irresponsable.
Problème -explosif- des déchets radioactifs bitumés, départ de feu souterrain possible, doutes sur la tenue de l’installation face aux aléas naturels, inconnues en cas de situation post-accidentelle, et architecture globale du site à revoir… Tout est confirmé.
Et pourtant, avec son avis en demi-teinte, l’ASN adopte une position tout aussi peu crédible que lors de son feu-vert mitigé au réacteur EPR de Flamanville, atteint de graves anomalies. Au stade du Dossier d’options de sûreté, censé apporter la plupart des réponses en deux ans, avant une possible autorisation de création, est-ce bien raisonnable ?
Le « gendarme » du nucléaire accrédite de plus la thèse du "déchet nucléaire gérable" et du stockage géologique responsable. En attendant, cet avis très attendu -car on est à deux doigts de prendre la décision irréversible d’enfouir- pourrait engager le pays sur une voie sans issue, qui fera payer aux générations à venir le poids de 5 décennies d’inconséquence. A savoir qu’EDF aurait en projet la construction de... 40 nouveaux réacteurs EPR NM, en France, à partir de 2030, sans avoir de solution fiable pour en gérer les déchets.
Déchets radioactifs bitumés : le risque d’incendie non évacué, juste esquivé et c’est grave
L’avis définitif rendu ce jour pointe principalement la nécessité de revoir la politique de gestion des déchets bitumés. Les options avancées ne résolvent rien pourtant. La première, revoir la conception et le dimensionnement de Cigéo remet tout en question, délais et coût y compris. La seconde, pré-traiter ces déchets avant leur arrivée dans Cigéo est l’option privilégiée, bien que le CEA affirme aujourd’hui que leur incinération (torche à plasma) / vitrification est une opération (1) impossible à réaliser à -grande- échelle industrielle…
Alors que le bon sens impose un arrêt immédiat du projet, l’ASN tempère son avis, faiblesse dont ne manqueront pas de se saisir les acteurs de la sphère politique et filière électro-nucléaire pour s’entendre à nouveau sur une voie intolérable, anti-démocratique et bornée.
Déchets radioactifs bitumés : l’arbre qui cache la forêt des questions impossibles à résoudre
L’ASN joue un jeu dangereux, en concluant que l’ANDRA produit un bon dossier… qui peut être amélioré en deux ans. Elle demande à avoir la raisonnable assurance que la démonstration de sûreté nucléaire sera démontrée au moment de la demande d’autorisation de création de Cigéo. D’énormes inconnues subsistent notamment : défaut de conception globale, risques de corrosion des aciers, tenue douteuse des bétons choisis, effets potentiels de l’accumulation d’hydrogène sur les milieux argileux une fois le stockage scellé, endommagement de la roche résultant des scellements…
Quel projet industriel au monde peut prétendre au démarrage avec autant de tares identifiées, connues, reconnues ?
L’impasse est non seulement technologique mais aussi économique et sociale : le coût de Cigéo n’est toujours pas clairement déterminé et les taux d’actualisation (2) des provisions relèvent de l’inconnue. Quel chantier au monde peut être autorisé alors que son chiffrage est impossible et que la charge financière -exorbitante- pèsera presque exclusivement sur nos descendants ?
La récupérabilité remise à l’ordre du jour ?
L’ASN demande à l’ANDRA de présenter, lors de sa demande d’autorisation de création, les enjeux de sûreté à court et très long terme. Ainsi « la possibilité de retirer des colis, impliqués ou non dans la situation accidentelle » est à l’ordre du jour. Cigéo est pourtant conçu actuellement comme un site irréversible, avec des galeries qui une fois emplies seraient scellées à vie. Un retour en arrière, marqueur d’une réelle inquiétude ?
Un avis définitif sous contrainte
La demande d’autorisation de création est toujours fixée à 2019, malgré des inconnues impossibles à lever. L’ASN, en toute connaissance de cause, a-t-elle été obligée de rendre un avis sous la contrainte ? Doit-elle mettre un couvercle sur ses réserves ? Va t-elle au bout du compte dans deux ans donner un feu vert à Cigéo, en demi-teinte comme elle l’a fait avec l’EPR de Flamanville, bourré de malfaçons ?
En défendant coûte que coûte la thèse, dite incontournable, du stockage géologique profond censé gérer les déchets radioactifs, la France pousse jusqu’aux dernières limites la farce qui fait du nucléaire une technologie viable, propre et exportable. Qui a expliqué lors des tractations récentes avec la Chine que le déchet atomique est ingérable et que l’usine de retraitement récemment vendue par Areva ne recycle pas ce déchet mais en produit encore plus ?
Pour la Coordination Burestop, une seule voie s’impose : l’arrêt immédiat de tout projet d’enfouissement des déchets nucléaires, dont la dangerosité est officiellement confirmée. Les risques sont non seulement technologiques mais sociaux. Preuve en est : l’injustifiable déploiement répressif qui s’accroit autour du site Bure. Des options alternatives plus crédibles, moins dangereuses et plus soutenables financièrement doivent être impérativement envisagées, avec en corollaire, l’arrêt de la production de ces déchets !
RESERVES DE LA COMMISSION NATIONALE D’EVALUATION :
1 - RAPPORT N°11 CNE2 / page 39 / https://www.cne2.fr/telechargements/RAPPORT_CNE2_11_2017.pdf
2 - RAPPORT N°11 CNE2 / page 324 /https://www.cne2.fr/telechargements/RAPPORT_CNE2_11_2017.pdf
REVUE DE PRESSE
15/01/2018 15:34 Paris (AFP) - © 2018 AFP
Reprise dans Le POINT
Déchets nucléaires à Bure : Cigéo doit revoir sa copie, estime l’ASN
LE MONDE / 15.01.2018
Stockage radioactif de Bure : « Une copie à revoir », selon l’ASN
REUTERS / 15.01.2018
L’ASN pointe un risque d’incendie au site d’enfouissage de Bure
FRANCE INFO / 15.01.2018
Projet de stockage de déchets radioactifs à Bure : l’Autorité de sûreté nucléaire émet "des réserves"
EUROPE1 / 15.01.2018
Déchets nucléaires à Bure : l’ASN émet une "réserve" et demande des précisions
LE FIGARO / 15.01.2018
Bure : l’Autorité de sûreté nucléaire favorable à l’enfouissement profond, sous conditions
SCIENCES ET AVENIR / 15.01.2018
Avis positif sur la sûreté de Cigéo. Avec des réserves
20 MINUTES / 15.01.2018
Projet Cigeo à Bure : Un dossier globalement « très bon » mais reste la question des déchets bitumineux