La gestion des déchets radioactifs en France est devenue inextricable. Plutôt que de continuer à empêcher le débat, les responsables doivent ouvrir l’information. Une vraie réflexion collective sur ce legs empoisonné aux générations futures est indispensable.

La réponse du gouvernement à la question posée par l’opposition, mercredi 14 février, sur les déchets nucléaires, était pitoyable et méprisante.

La députée (FI) Caroline Fiat formulait, dans le fil de la révélation par Reporterre du projet de stockage sous eau de déchets radioactifs à Belleville-sur-Loire, trois questions : la publication de la carte des sites de déchets nucléaires en France, un débat sur les déchets nucléaires, la protection des lanceurs d’alerte à Bure (Meuse), où un site d’enfouissement est envisagé.

La secrétaire d’État Brune Poirson, représentant le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, et le gouvernement, n’a répondu à aucune de ces questions, et n’a donné aucune précision sur le projet de Belleville-sur-Loire. Continuant sur la lancée du mépris des contradicteurs et du refus de la transparence qui fait l’ordinaire de la politique nucléaire en France, elle a affirmé avec une emphase qui confine au ridicule : « Nous avons exploré depuis des années, des décennies, toutes les solutions au stockage des déchets. »

Eh bien non, on n’a pas envisagé toutes les solutions, ni même posé correctement la question des déchets. Et menti plus d’une fois, comme lorsque Mme Lauvergeon prétendait que les déchets nucléaires tiendraient dans... une seule « piscine olympique ».
Cinq casse-tête au lieu d’un

Posons correctement la question des déchets. En soulignant que la situation dans laquelle l’industrie nucléaire a conduit la France est particulièrement compliquée. Pourquoi ? Parce que, alors que les autres pays exploitant l’énergie nucléaire n’ont à gérer qu’un seul type de déchets, les combustibles usés sortant très radioactifs des réacteurs, la France s’est engagé dans la voie du retraitement, qui aboutit à créer cinq types de déchets, comme nous l’avons expliqué en détail cette semaine :

. les actinides mineurs ;
. le plutonium ;
. le MOx usé ;
. l’uranium de retraitement ;
. le combustible uranium usé.

On simplifie ici la situation, parce qu’on compte aussi des combustibles graphite-gaz, de l’uranium appauvri, des stériles miniers, etc. Mais restons-en à ces cinq types de déchets, les plus dangereux. Comme chacun présente des caractéristiques radioactives et thermiques différentes, chacun appelle une solution particulière. Autrement dit, alors que, par exemple, les États-Unis ou la Suède n’ont à gérer qu’un seul type de déchets nucléaires ”” et n’y trouvent d’ailleurs pas de solution ””, la France a cinq casse-tête au lieu d’un. L’honnêteté consisterait à le reconnaître, plutôt qu’à faire croire à l’opinion qu’il y a des « déchets nucléaires » et qu’il suffira de les enfouir pour régler le problème.
Ouvrir l’information et arrêter de criminaliser les contestataires

Raisonner sur la réalité ”” il y a cinq casse-tête et pas un seul ”” entraîne trois conséquences :

Il faut reposer nettement sur la table tout le projet Cigéo, dont les caractéristiques techniques sont très discutables ;
Il faut ouvrir l’information sur le projet de Belleville-sur-Loire et sur la situation du stockage à La Hague ;
Il faut préparer l’arrêt du retraitement, qui complique la situation en continuant à produire ces cinq types de déchets.

Toutes les solutions, on le voit, n’ont pas été envisagées. Il est temps de le faire. Et de réfléchir aussi à l’entreposage à sec, qui est pratiqué à grande échelle dans plusieurs pays.

Le débat est urgent, comme l’est la nécessité d’ouvrir l’information, plutôt que de continuer les cachotteries, comme le font EDF et le gouvernement.

Il est tout aussi indispensable de stopper la répression policière et judiciaire contre ceux qui, dans la Meuse et ailleurs, contestent le projet Cigéo et les choix dangereux de l’industrie nucléaire. Ils sont, comme l’a justement dit Mme Fiat, des lanceurs d’alerte, et contribuent à avertir la société des dangers qu’elle court à fermer les yeux. Pour l’instant, la réponse que donne le gouvernement est exactement celle d’un État policier. Cela n’est plus acceptable.