C’est de Valognes, dans la Manche, qu’est parti, samedi 19 novembre, à destination de Gorleben (Allemagne), un convoi ferroviaire de douze "châteaux" de 113 tonnes chacun contenant une dizaine de tonnes de déchets radioactifs vitrifiés hautement radioactifs.

Ces "cendres" sont le fruit du retraitement des combustibles usés allemands dans l’usine de la Hague, à la pointe du Cotentin, engagé dans les années 1970. En 2000, les gouvernements de MM. Jospin et Schröder étaient finalement convenus, aux termes d’un accord signé le 31 janvier 2001, que les déchets allemands seraient retournés intégralement vers l’Allemagne. D’autre part, les compagnies d’électricité allemandes ont décidé de mettre un terme au retraitement à l’étranger de leurs combustibles usés.

C’est ainsi que la Hague a reçu en avril, et ce pour la dernière fois, un convoi de combustibles usés allemands. Mais chaque année, et jusqu’en 2011, un train de déchets quittera encore la France à destination de l’Allemagne. Ces transports suscitent toujours une mobilisation des associations antinucléaires.

En novembre 2004, un militant, Sébastien Briat, qui s’était attaché aux rails, était mort après avoir été percuté par le train, qui n’avait pu le voir à temps. Dimanche, le convoi a franchi la frontière sans incident. C’est près de Gorleben, en Basse-Saxe, dans le nord du pays, que s’est concentré l’essentiel des manifestations.

A en croire la police, elles ont été moins nombreuses et plus calmes que lors du précédent arrivage. Les manifestants ont revendiqué la mobilisation de quelque 5 000 personnes, soit moins du double des effectifs policiers déployés le long du trajet du convoi pour en assurer sa sécurité. Quelques affrontements ont eu lieu à Lüchow et à Lüneburg entre lycéens et policiers. A une dizaine de kilomètres du site de stockage, un millier de personnes, dont 300 agriculteurs inquiets de la mauvaise publicité faite à leurs produits du fait de la proximité du centre, ont manifesté.

Les protestataires craignent que Gorleben ne devienne le lieu de stockage définitif des déchets nucléaires allemands. Avec les Verts, ils réclament que l’étude sur le choix d’un tel lieu de stockage — qui reste à déterminer — ne soit pas faite à la hâte. Récemment, le Parti social-démocrate (SPD) et les Unions chrétiennes (CDU-CSU) ont déclaré qu’ils avaient "l’intention de trouver une solution durant cette législature", soit d’ici à l’automne 2009.

De ce côté de la frontière, la polémique a porté sur la notion de secret-défense. Sont visés le dossier du nouveau réacteur EPR et celui de la gestion des déchets nucléaires. Ainsi, les communes traversées par le train n’ont-elles pas été informées de l’événement par l’administration, mais par le réseau Sortir du nucléaire, qui a diffusé les horaires et l’itinéraire du convoi sur son site Internet.

Le groupe Areva, qui, en France, gère le cycle du combustible, s’est refusé à donner des détails sur ce transport de déchets, arguant "des règles de communication fixées par le haut fonctionnaire de défense". Pourtant, celui-ci, Didier Lallemand, précise que "le secret-défense ne s’applique pas au transport de déchets nucléaires". "Je ne diffuse pas, concède-t-il, les horaires du train, mais rien ne s’oppose à ce que d’autres le fassent."

Une déclaration en contradiction avec celle que ce même fonctionnaire avait faite en 2003 (Le Monde du 3 septembre 2003). Lundi, malgré une centaine de manifestants qui s’étaient enchaînés sur la route, les déchets devaient être transférés sur des camions pour franchir les vingt derniers kilomètres les séparant du centre de Gorleben.