Le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision rendue vendredi 27 octobre, que la mise en œuvre du projet Cigéo, centre d’enfouissement des déchets les plus radioactifs, à Bure (Meuse) est conforme à la Constitution. Les dispositions du projet « ne méconnaissent pas » le droit des générations futures « compte tenu [des] garanties » apportées, a expliqué l’institution, qui affirme pour la première fois cette dimension intertemporelle de la protection de l’environnement.

Décision n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023

Trois ans après avoir jugé que la protection de l’environnement ne s’arrêtait pas aux frontières, les membres du Conseil constitutionnel vont plus loin, avec cette nouvelle décision, en affirmant que « le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».

Cette partie de la décision a été saluée comme « historique » par le collectif de riverains et de militants antinucléaire (14 associations locales, 7 nationales dont Attac, Sortir du Nucléaire, France Nature Environnement, Greenpeace), à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel. « Cette décision ne signifie absolument pas que le projet Cigéo, dans sa globalité, est autorisé », estime le collectif, qui reste « optimiste » et déterminé à contester la déclaration d’utilité publique (DUP) accordée par le gouvernement en 2022 à ce projet d’enfouissement jugé « titanesque et extrêmement dangereux ».

Absence de réversibilité du stockage

Une quinzaine d’associations et plusieurs riverains du site à Bure estimaient que le stockage des déchets méconnaît la Charte de l’environnement, annexée en 2005 à la Constitution. En particulier, l’absence de réversibilité du stockage au-delà d’un siècle après la mise en service du site était critiquée par les requérants.

Comparable au dépôt conçu par la Finlande sur l’île d’Olkiluoto pour abriter le combustible usé des cinq réacteurs nationaux, le projet Cigéo pourrait accueillir au moins 83 000 m3 de déchets les plus radioactifs ceux à haute intensité et à vie longue, dans le sous-sol argileux de Bure d’ici 2035-2040. Il est contesté depuis plus de vingt ans.

Le Conseil constitutionnel en a examiné le processus, étape par étape, tel que prévu par la loi et notamment les verrous posés pour respecter le principe de réversibilité imposé dans le code de l’environnement : durant 100 ans au moins, il faut pouvoir changer de méthode ou récupérer les déchets. Il en conclut qu’il y a suffisamment de « garanties » : dès lors, les dispositions du projet « ne méconnaissent pas » le droit des générations future, et sont « conformes à la Constitution ».

L’autorisation de mise en service, dont l’instruction vient de débuter et prendra trois ans, sera limitée à une phase pilote « qui doit permettre de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation, notamment par un programme d’essais in situ », souligne le Conseil constitutionnel. « Tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables durant cette phase, qui comprend des essais de récupération », dit-il. Quant à la fermeture définitive du site qui empêchera tout retour en arrière, seule une loi pourra l’autoriser, relève-t-il.

Au contraire, soutiennent les opposants, le délai considérable, jusqu’à des centaines de milliers d’années, durant lequel les déchets les plus toxiques doivent être conservés avant que les radiations ne retombent à des niveaux sûrs excède largement 100 ans et hypothèque le droit des générations futures. Ils soulignent une « atteinte irrémédiable à l’environnement, et en particulier à la ressource en eau ».