FAVL, lettre ouverte d’un géologue
LETTRE OUVERTE aux maires
Paul HUVELIN, Géologue
Naix-aux-Forges,
Le 6 octobre 2008
Madame, Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les Adjoints et Conseillers,
Nous avons appris votre souhait de recevoir, sur proposition de l’ANDRA, un centre d’enfouissement de déchets dits FAVL, faible activité radioactive mais vie longue. Il importe donc que vous receviez d’autres données sur ce projet que celles fournies pas ses experts, trop souvent biaisées ou incomplètes. Quelques compléments venant d’un géologue indépendant, sortant de la même école que les dirigeants du laboratoire de BURE, et donc susceptible de savoir amender certains de leurs discours, pourraient vous être utiles. Retraité depuis longtemps, je n’ai aucun intérêt à vous raconter n’importe quoi ; votre réponse à leur offre demande plus mûre réflexion, tant elle pourrait engager l’avenir proche et lointain de votre commune et celui de notre région toute entière.
En plus d’emplois, une dotation annuelle de 600 000 € vous serait allouée pour accepter ces déchets si difficiles à caser ; espérons que les versements dureront aussi longtemps qu’eux.
On vous a rassurés : ces déchets sont de faible activité. Mais sans tout vous dire : parmi eux, les « déchets graphites » mal conditionnés qui datent des réacteurs les plus anciens, le graphite servant de modérateur et susceptible de retenir, lors des nombreux « incidents d’exploitation », une part importante d’émetteurs alpha et gamma comme le plutonium, de haute activité et vie longue. Comme l’a clairement indiqué un récent rapport de la CNE (n°2, juin 2008), le problème majeur est le stockage de ces déchets qui contiennent entre autres du chlore 36, très mobile dans l’environnement, avec une longévité de plusieurs millions d’années. Notons qu’en cas de fuite, les eaux chlorées pollueraient définitivement la région probablement plus tôt que prévu (contaminations des nappes et des cours d’eau). Quant aux « déchets radifères », ils ne sont guère moins redoutables, bien que l’ANDRA mette l’accent sur la « faible activité » sans tenir compte de la nature de la radioactivité (alpha, bêta ou gamma) : certains de leurs composants de très forte toxicité sont extrêmement dangereux même en quantités infimes. Ils seraient peut-être moins prompts à fuir d’un site d’enfouissement, mais le désastre du site d’Asse en Allemagne, encore tout récemment évoqué dans la presse, montre bien la limite des garanties d’étanchéité !
Sachez encore, ce que les autorités ne vous diront pas non plus, que les radionucléides ont la propriété de se recycler dans les végétaux (désastre économique et sanitaire) et que même à faible dose radioactive, une ingestion, source interne de radiations, est toujours dangereuse, vu que les radionucléides, une fois dans l’organisme, plus encore chez les fœtus et les enfants, se concentrent sélectivement dans les organes vitaux puis détruisent l’organisme, comme on continue constamment d’en faire l’amère expérience dans les territoires contaminés autour de Tchernobyl.
Si vous tardez à vous décider, on vous dira que le temps presse : vous êtes en compétition avec vos voisins et on vous laisse jusqu’à la fin du mois et pas plus. Les « bonnes affaires » se négocient rapidement, et ce sera comme à Munich en 1938.
En espérant vous avoir apporté quelques éclaircissements dans la mesure de mes moyens sur cet épineux problème des déchets, qui nous tracasse tous, je vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs, l’assurance de ma considération distinguée.