2013 - GEOTHERMIE : Duel en sous-sol
EST REPUBLICAIN / 06.02.13
À l’occasion de l’assemblée générale du comité local d’information et de suivi (CLIS) du laboratoire de recherche de Bure qui s’est déroulé lundi soir à la salle du Bruly à Ancerville, Louis Drouot semblait atteint de « Delonite » aiguë. Le scientifique, expert en énergies renouvelables, s’est adressé tout au long de l’exposé à l’audience composée de membres du CLIS, de militants anti-Bure et d’élus locaux comme le député Jean-Louis Dumont à la troisième personne… En terme de communication pure, l’effet a été désastreux mais l’homme a de la ressource. Attaqué à coups de graphiques et d’analyses chiffrées au sujet de son travail sur l’évaluation du potentiel géothermique dans la région de Bure, par Antoine Godinot, géologue de formation et opposant de la première heure au projet de centre de stockage de déchets nucléaires en dessous du village meusien, le scientifique a répliqué en faisant montre de ses états de service et de sa probité. « Louis Drouot n’a jamais été rémunéré par l’Andra », dit-il en substance.
« Mythe fondateur »
Il avait été payé à hauteur de 4.800”‚€ par le CLIS (financé à parts égales par l’État et les producteurs de déchets nucléaires) afin de déterminer si le sous-sol de Bure pourrait dans le futur être une source d’énergie commercialement exploitable. Il a rendu son rapport au CLIS en décembre 2010. Sa conclusion est sans appel. Sur la base des tests effectués par des opérateurs payés par l’Andra, il assure que la géothermie n’a pas d’avenir à Bure, « un mythe fondateur » selon lui, de la lutte menée par les anti-Bure.
En cas de réponse contraire, cela aurait été une sacrée épine dans le pied pour l’Andra dans la réalisation de son projet de décharge nucléaire (Cigéo).
Dissiper le climat de paranoïa
Antoine Godinot taxe d’« incompétence », l’expert recruté par le CLIS mais plus grave, le militant anti-Bure l’accuse même d’avoir fait des copier-coller des analyses de l’Andra sur ces fameux tests de géothermie… Le spécialiste des énergies renouvelables réplique : « Le travail de Louis Drouot s’articule autour de quelques axes forts : doute, écoute, bon sens, clarté et fermeté. Son job consiste à faire des synthèses de travaux scientifiques. Il a lu et analysé trois rapports de 410 pages rédigés par les opérateurs qui ont réalisé les tests de géothermie. En plus, il a réalisé des entretiens complémentaires approfondis avec les gens de l’ANDRA, et de l’ADEME. À l’arrivée, on ne peut qu’observer que la ressource en géothermie du secteur de Bure est médiocre au mieux passable ».
Ce débat entre scientifiques organisé par le CLIS a eu moins le mérite de la transparence dissipant un peu le climat de paranoïa qui entoure le projet Cigéo mais il n’a pas permis d’établir clairement si le sous-sol de Bure était propice ou non à la géothermie.
Sébastien GIRARDEL
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JHM / P-J.P. du 7.02.13
http://www.jhm.fr/index.php/departement/actualites/4452-Geothermie--le-Clis-a-t-il-ete-trompe-
Géothermie : le Clis a-t-il été trompé ?
Y a-t-il un potentiel géothermique dans le sous-sol de Bure ? Officiellement, non. Mais pour le Comité local d’information ”¨et de suivi (Clis) du laboratoire de Bure, les résultats du forage sont douteux. Lundi soir, l’auteur du rapport officiel ”¨et un géologue en ont débattu devant l’assemblée
D’un côté, il y a le rapport officiel qui explique qu’ « il n’existe pas de ressource géothermique présentant un intérêt exceptionnel » dans le sous-sol de. Bure. De I’autre, il y a ceux qui affirment que le rapport est une « tromperie », que Ie forage destiné à mesurer le débit de l’eau en profondeur, n’a pas été réalisé « dans les règles de l’art » et que l’Andra aurait dissimulé volontairement le potentiel géothermique*. Lundi soir, les deux visions se sont affrontées, par I’intermédiaire de Louis Drouot, rédacteur du rapport de synthèse du forage, et Antoine Godinot, géologue.
Pour ce dernier, le Clis « a été trompé. Le forage réalisé en 2008 à Ribeaucourt, à la demande du Clis, n’a pas été réalisé dans les règles de l’art. Ils ont utilisé de la boue qui a faussé les résultats en formant une double obstruction, à l’intérieur et à l’extérieur du
tuyau. Le débit mesuré de 5 m3/h est donc bien inférieur à la réalité. D’ailleurs, la CNE l’a dit en 2010 : "S’il avait été réalisé dans les règles de l’art, le forage permettrait d’atteindre, sans aucun doute, des performances bien supérieures." Ce qui rejoindrait les dires du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui avançait dans les années 1970, que la géothermie serait l’avenir de la Meuse et de la Haute-Marne."
« Nous avons payé pour une tromperie ! »
Pourtant, pour Louis Drouot, qui travaillait en 2008 pour Erdyn, le cabinet mandaté par le Clis pour réaliser le forage, celui-ci s’est déroulé « dans de bonnes conditions ».Et Antoine Godinot d’ajouter : « Ce forage est une escroquerie. Les 5 m3/h correspondent au débit maximum de la pompe. On ne pouvait donc pos trouver un débit supérieur, vu que la pompe n’allait pas au-delà. Qu’ils fassent ça aux opposants, je peux le comprendre, car ils les détestent. Mais les maires font confiance aux scientifiques et là, je vous prouve qu’ils vous trompent ! » Un avis partagé par Jean-Marc Fleury, président des élus meusiens et haut-marnais opposés à l’enfouissement et membre du Clis, qui a lancé, énervé : « Pour moi, on nous a menti. Nous avons payé (38 000 €, ndlr) pour une tromperie ! »
Pour se défendre, Louis Drouot s’est attaqué aux « méthodes » d’Antoine Godinot. « Les propos tenus sont à la limite de la diffamation. M. Godinot utilise la calomnie, la manipulation et le mensonge pour appuyer sa thèse. Je confirme que la ressource est médiocre. Et de toute manière, si un jour, un projet de géothermie à faible profondeur était développé, il serait tout à fait compatible avec le stockage. » Une affirmation qui n’a pas manqué de faire réagir la salle, qui a mis en avant les risques d’intrusion par des générations futures, qui ignoreraient qu’un stockage se trouve là.
Après près de deux heures de débat, une membre du Clis présente dans la salle, s’est interrogée : « Et maintenant, on fait quoi ? » Ce à quoi Jean-Louis Canova, président du Clis, a répondu : « On va en rediscuter en conseil d’administration et on fera des propositions sur les suites à donner à cette affaire. » Des suites qui pourraient prendre la forme d’un nouveau forage, comme l’a proposé un opposant venu de Grand, dans les Vosges, « avec un cahier des les charges établi par un hydrogéologue au-dessus de tout soupçon. » Réponse dans les semaines qui viennent.
*Le potentiel géothermique est une question cruciale. En effet, le "Guide de sûreté relatif au stockage définitif des déchets en formation géologique profonde" du 12 février 2008, édité par I’Autorité de sûretê nucléaire (ASN), stipule que le site doit « être choisi de façon à éviter des zones pouvant présenter un intérêt exceptionnel en termes de ressources souterraines. » La présence de ressources géothermiques exploitables pourrait donc empêcher la création du site de stockage.