Si les Français commencent à connaître Notre-Dame-des-Landes, encore peu ont déjà entendu parler de Bure, une petite commune située à la limite de la Meuse et la Haute-Marne. C’est pourtant dans ce village de 92 habitants et ses alentours que l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (l’Andra) a choisi d’implanter son « centre de stockage industriel géologique » (Cigéo).

Derrière ce mélodieux acronyme se cache en fait le projet français de stockage profond de déchets radioactifs. Un centre conçu pour stocker à 500 mètres sous terre les déchets hautement radioactifs et à longue durée de vie produits par l’ensemble des installations nucléaires de l’Hexagone. Le site d’enfouissement devrait accueillir à terme environ 10.000 m3 de déchets HAVL (Haute Activité à Vie Longue), les plus nocifs, et 70.000 m3 de déchets MAVL (Moyenne Activité à Vie Longue) ainsi que les combustibles usés des centrales Areva.

La commune de Bure n’a bien sûr pas été choisie au hasard. Ses entrailles sont particulièrement propices au confinement de matières dangereuses, grâce à une couche argileuse imperméable, vieille de plus de 160 millions d’années. D’ailleurs, le village accueille déjà le « laboratoire souterrain » de l’Andra, dont les installations se déploient sur plus de 1.400 mètres sous terre, entre 445 et 490 mètres de profondeur.

D’après l’Andra, les installations du Cigéo sont prévues pour être exploitées pendant au moins 100 ans, tout en étant « réversibles », c’est-à-dire suffisamment flexibles pour les adapter au cas où les générations futures trouvent de meilleures solutions pour gérer les déchets nucléaires.

Un coût difficilement mesurable mais qui sera astronomique

L’évaluation du coût du Cigéo couvre des dépenses sur 140 ans à partir de 2016, qui comprennent la construction (censée débutée en 2020), l’expérimentation, l’exploitation (prévue entre 2040 à 2140) et la fermeture du site. Les nombreuses incertitudes sur les coûts du travail, des matériaux ou encore de l’énergie dans le futur rendent particulièrement difficile ce travail d’estimation. Pourtant, le Ministère de l’Ecologie vient de définir, par arrêté, le coût de ce gigantesque projet, à 25 milliards d’euros, contre 20,8 milliards d’euros initialement prévu par EDF.

En conséquence, EDF a dû augmenter de 820 millions d’euros ses provisions (qui atteignent 8,4 milliards depuis 1999) pour couvrir la gestion à long terme des déchets radioactifs, entraînant une perte nette de 509 millions dans ses comptes en 2015. Impliqué aussi dans ce projet, Areva a enregistré il y a un mois une nouvelle provision de 250 millions d’euros pour le projet Cigéo.

L’estimation du gouvernement à 25 milliards est bien en-dessous du devis de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, pourtant en charge du projet. Dans un rapport remis au gouvernement en 2014, l’Andra estimait le coût de Cigéo à 32,8 milliards d’euros. Une telle différence suscite l’ire des écologistes, qui dénoncent un projet particulièrement dangereux.

Les associations écologistes sont vent debout

Si le principe du stockage profond a été retenu par la loi en 2006 comme étant la meilleure pour traiter les déchets radioactifs, le projet Cigéo est fortement critiqué par les associations écologistes et antinucléaires. La sécurité du site les inquiète particulièrement alors que les risques pour la santé des populations seraient multiples : accidents de transport, choc ou chute des colis pendant le stockage, défaut du système de ventilation (les déchets nucléaires rejettent des gaz radioactifs). S’ils étaient associés, ces événements pourraient aboutir à des situations catastrophiques comme des explosions ou des incendies ! Autant dire que le projet de Cigéo devrait faire parler de lui encore longtemps.

Jonathan Chelet
Cigéo, la méga poubelle nucléaire dans la Meuse qui plombe EDF
Capital.fr