138 000 kilomètres : c’est la distance parcourue chaque année, en France, par des convois nucléaires ferroviaires. « On parle beaucoup des trains chargés de déchets qui arrivent des pays étrangers, puis y retournent ensuite, une fois retraités à l’usine de La Hague, en Normandie. Mais ce ne sont pas les plus nombreux », détaille Michel [1], entré à la SNCF dans les années 1980. « La majorité des déchets qui voyagent sont français. »

2 à 3 trains nucléaires par jour

Ils partent des 18 centrales nucléaires vers l’usine de retraitement de La Hague, dans la presqu’île du Cotentin. Certains y restent, stockés en surface. D’autres repartent. L’uranium issu du retraitement s’en va vers Pierrelatte, où il sera à nouveau transformé pour être stockable. Et les déchets de faible et moyenne activités sont expédiés vers le site de stockage de Soulaine, dans l’Aube. « Au total, 500 trains nucléaires, dont seulement 1 sur 10 est étranger, circulent en France chaque année. Soit 2 ou 3 par jour ! »

Chargés par le personnel d’EDF ou d’Areva, les trains sont ensuite préparés par des agents SNCF. Les cheminots doivent accrocher les wagons entre eux, vérifier l’état des freins, s’assurer que tout (bâche, porte, trappe…) est bien en place et inspecter les attelages. « Pour un agent qui bosse vite et bien, cela prend trente minutes, dont la moitié tout près du train », résume un habitué. S’il y a un souci au niveau des freins, il peut y passer beaucoup plus de temps. « Parfois, il doit se mettre sous le wagon », raconte Philippe Guiter, agent de conduite et secrétaire fédéral du syndicat SUD-Rail. « S’il ne peut pas trouver la solution tout seul, il est secondé par un agent du matériel. » Et si le wagon n’est pas réparable rapidement, il faut le décrocher et l’isoler. Il part ensuite à la réparation, avec son stock de radioactivité.

Aucun suivi médical particulier pour les cheminots du nucléaire

Les wagons déclarés aptes à circuler sont tractés jusqu’à bon port, pendant plusieurs heures, par un agent de conduite. En cas d’incident, le cheminot doit descendre de sa cabine et longer le train, pour localiser le souci technique. « Il arrive alors qu’il soit au contact des wagons pendant un quart d’heure, une demi-heure, voire plus », dit Michel. Ces cheminots ne sont pas considérés comme travailleurs du nucléaire. La dose maximale de radiations qu’ils ne doivent pas dépasser est la même que pour le grand public : 1 millisievert (mSv) par an, hors rayonnements naturels et médicaux. Ils ne sont pas astreints à un suivi médical particulier.

Ils sont pourtant soumis, dans le cadre de leur travail, à des risques d’irradiation et de contamination. « En cas d’irradiation, décrit Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire et responsable du laboratoire de la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (Criirad), certaines radiations traversent la paroi de l’emballage à l’intérieur duquel se trouve la matière radioactive. » La contamination, c’est le dépôt de matières radioactives hors de l’emballage : « On amène des becquerels sur des terrains où il n’y en a normalement pas, sur les rails par lesquelles passent les convois les jours de pluie, par exemple. »

« Parfois, les gars d’Areva nous disent : ce wagon-là, ne t’en approche pas trop »

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