1990 (années) : De la chasse aux "pigeons" à la résistance active
Muni d’une loi taillée sur mesure, le député Bataille fut missionné en 1993 par le gouvernement pour susciter des sites volontaires. Car, différence notable avec la malheureuse expérience précédente, le député allait pouvoir agiter divers miroirs aux alouettes : un laboratoire scientifique souterrain (on ne parlait plus d’enfouissement), des dizaines d’emplois (argument électoraliste) et des retombées financières à la pelle (taxe professionnelle, "prime" de 60 millions F/an jusqu’en 2006…)

4 départements, pris au piège
Quelques lignes dans la presse spécialisée auprès des collectivités territoriales et le piège fonctionnait : les candidatures affluaient, 30 en peu de mois.
"Le laboratoire souterrain, une chance à saisir pour la Haute-Marne" titrait par exemple l’Est Républicain (devenu depuis "JHM") dans son édition du 20 octobre 1993.
Ne restait plus au député qu’à se rendre sur place pour présenter le projet en quelques heures ; d’une part auprès de "représentants" triés sur le volet (élus, consulaires, associatifs) et, d’autre part, auprès des Conseils Généraux… qui votaient leur candidature dans la foulée. Obnubilées par leur mise en concurrence, les différentes assemblées départementales ne voulurent pas voir que les quatre départements précédents (Ain/Aisne/Maine-et-Loire/Deux-Sèvres) venaient d’éconduire le missionnaire Bataille…
Fort d’avoir réussi à trouver des élus consentants, Bataille adressait le 20 décembre 1993 un rapport au gouvernement à qui il proposait de retenir les départements suivants : Gard/Haute-Marne/Meuse/Vienne. Dès le 5 janvier, ce choix était entériné et ouvre la voie à : distribution de 5 millions F par an sur chacun des quatre sites, préliminaires à l’ouverture des chantiers de forages dans les cantons concernés (sous couvert de pseudo-associations), mais également distribution de chèques à tout va aux associations locales (liées au sport, aux écoles, voire aux pompiers, aux gendarmes…). De même lancement de campagnes de communication luxueuses, implantation locale avec création de " maisons de l’Andra ", propagande dans les écoles. Parallèlement, les forages d’étude se multiplient sur les quatre sites ainsi que les achats de terrain avec force tractations secrètes. (À noter que l’Andra acquiert 90 hectares autour de Bure.)
Le refus
Or, malgré la présentation fallacieuse du projet et le rouleau compresseur mis en place, un phénomène inattendu -mais encourageant- se produisit. Des réunions d’information, très souvent à l’initiative d’écologistes (et avec le témoignage des sites antérieurs), ont vu nombre d’habitants se déplacer puis réagir en créant des associations d’opposition au pseudo-labo. Les collectifs citoyens départementaux étaient nés.
Très vite sont posées des questions fondamentales, tandis que sont mis en lumière au fil des mois : un refus de débat du promoteur Andra, manque flagrant de transparence, achat des consciences, etc. En un mot, l’entourloupe... Et les collectifs montent au créneau afin de tirer la sonnette d’alarme et de sensibiliser leurs concitoyen(nes). Se succèdent alors pétitions (60 000 signatures), conférences (avec invitation d’experts indépendants), opérations coup de poing, barrages filtrants, nombreuses manifestations de masse, recours juridiques multiples, démarches nationales… Dans le Gard, les viticulteurs réalisent une étude d’impact professionnel qui révèle les aspects négatifs d’une implantation de déchets nucléaires aux côtés de leurs vignes.
Par dizaines, par centaines, les professionnels de santé signent un appel de mise en garde contre l’enfouissement.
Est également réactivée la Coordination Nationale des collectifs précédente permettant de mettre en commun les forces, les expériences… Des week-ends de travail fréquents réunissent les collectifs opposants en Gard, Haute-Marne, Meuse, Vienne, Vosges ou Deux-Sèvres qui permettent de mettre en commun des informations, de lancer campagnes ou manifestations nationales. Ainsi l’édition du journal Droit de Regards distribué à 250 000 foyers, la manifestation à Paris-Tour Eiffel, l’opération " 100 000 grains de blé " à Bure etc. Des contacts sont pris avec d’autres groupes antinucléaires et la Coordination s’implique dans la création du Réseau sortir du Nucléaire.
Puis, c’est au tour d’élus locaux de s’opposer et de fonder des associations, et de créer une Coordination Nationale des Élus.
Pendant ce temps, les mois avaient défilé et se profilait une nouvelle étape au printemps 1997 : les enquêtes publiques.